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Philippe Coy : « il faut redonner du sens au métier de buraliste »

25 mai 2021

La transformation n’est pas que digitale et concerne tous les secteurs. Comment stimuler la performance et agiliser une confédération autour de laquelle les attentes sont très fortes, et les enjeux de repositionnement majeurs ? Philippe Coy, Président de la confédération des buralistes depuis 2017 est sûrement le mieux placé pour nous en parler. Il est l’invité de notre blog ce mois-ci. 

Philippe, qui êtes-vous et qu’est-ce qui vous motive ?

Je suis avant tout un commerçant, entrepreneur, buraliste depuis plus de 20 ans dans les Pyrénées-Atlantiques où j’ai également occupé des responsabilités dans ma commune. Je suis aussi vice-président de chambre de commerce, passionné du commerce de proximité et passionné de la relation humaine.

Aujourd’hui je porte un projet pour ma profession que je défends depuis maintenant plus de 17 ans à travers mon engagement auprès de la Confédération des buralistes. D’abord au niveau régional et aujourd’hui à l’échelle nationale avec mon élection en tant que Président en octobre 2017. Avec cet axe fondamental et qui m’est cher qu’est la défense du métier dans sa structuration et dans sa chair. Un métier de commerçant qui a parfois été un peu oublié.

Et je crois que l’on a des atouts significatifs pour relever les défis qui nous attendent. Les années qui viennent de s’écouler, et tout particulièrement 2020, donnent à mon sens raison à notre stratégie. Donc oui, passionné du commerce et de la défense du bon sens paysan. Je crois que pour bien porter un projet il faut savoir d’où on vient pour savoir où on va. Dans ce cas précis, préserver les racines du commerce, qui n’ont pas changé, tout en s’adaptant aux temps modernes. Pour moi, la vraie vie doit l’emporter sur les décisions technocratiques.

On parle beaucoup de transformation du métier/secteur buraliste ? Quels en sont les enjeux, pouvez-vous nous en dire plus ?

On a un vrai défi d’adaptation. Notre enjeu actuel est la baisse des volumes de vente du tabac et la concurrence du marché parallèle. Ce dernier a déséquilibré l’économie du réseau et renforcé la baisse initiée par le changement des tendances de consommation des clients. Mais de nouveaux besoins émergent et il y a une opportunité autour de produits de nouvelle génération : vapotage, tabac chauffé, etc. Sans faire l’apologie du tabac bien sûr, l’idée est d’y répondre en ayant les bons produits au bon moment.

« Mon idée sur ce sujet est qu’il faut faire du bureau de tabac le drugstore du quotidien des Français »

Je pense que le moment était venu de se transformer. Le réseau accueille aujourd’hui 10 millions de Français par jour. Il y a une opportunité autour de ce flux client, à aller chercher de nouvelles sources de développement et à se repositionner. Il faut remettre les briques bien en place et aussi redonner du sens au métier de buraliste. Mon idée sur ce sujet est qu’il faut faire du bureau de tabac le drugstore du quotidien des Français.

À quels enjeux répond la transformation humaine et fonctionnelle actuelle de la confédération des buralistes ? Pourquoi avoir contacté overthemoon à l’époque ?

Suite au lancement d’un plan gouvernemental d’aide à la transformation des débits de tabac, nous avons disposé de fonds à hauteur de 80 millions d’euros pour conduire ce changement. Pour ce faire, nous avons défini une roadmap. Et pour piloter ce projet d’envergure, il nous fallait des process structurés et changer nos habitudes. La Confédération est originellement plus centrée sur la revendication syndicale que la proposition de nouveaux modèles. Il nous fallait donc embarquer les équipes dans la création de ce nouveau mode opératoire en interne.

Quand je suis arrivé aux responsabilités, je n’en avais pas forcément les capacités. Nos directeurs eux-mêmes ont demandé cet accompagnement et ce coaching pour conduire ce changement. Et donc ce qu’on savait porter comme message à l’extérieur à nos adhérents, il fallait aussi nous l’appliquer en interne, avec de la rigueur et de la méthode. Ça a renversé la table du jour au lendemain. On a des gens qui sont là depuis très longtemps. On a dû aussi recruter pour amener de la fraîcheur et de nouvelles compétences. Il nous faut donc agglomérer l’ancien et le nouveau au service d’un projet commun.

« Pour réussir, il faut de bons joueurs et de bons coachs. Leur donner plaisir et envie de porter le projet collectif. C’est la même chose pour nos 24 000 buralistes »

En somme, je suis arrivé avec une vision pour l’extérieur et un besoin pour l’intérieur. Je ne suis que locataire de mon fauteuil le temps de mon mandat. Ce n’est pas mon entreprise ni mon budget. Je dois donc faire encore mieux que si c’était mon propre commerce et mon argent. Et pour cela, il faut avoir une bonne équipe. Je viens d’une terre de rugby. Pour réussir, il faut de bons joueurs et de bons coachs. Leur donner plaisir et envie de porter le projet collectif. C’est la même chose pour nos 24 000 buralistes.

Quelles ont été les principales actions menées ?

On a démarré par une analyse du chantier. Identifier nos forces et nos faiblesses. Parallèlement overthemoon nous a accompagné, élus comme directeurs de service, dans cette conduite du changement en fonction de nos ambitions en termes de réalisation, de notre identité et du calendrier qui était le notre. Embarquer et co-construire étaient les mots d’ordre. On n’embarque les gens que lorsqu’il y a adhésion. Et pour adhérer, il faut comprendre, et être agile.

Je suis l’ordonnateur de la mission donc je sais où je veux aller même si je n’ai pas toutes les clés. On est parti de deux feuilles blanches. Une première que j’ai noircie de mes idées, et une seconde que l’on a fixée avec nos directeurs pour décliner la stratégie pour l’interne au regard des besoins exprimés. Avoir ce regard extérieur en tant qu’élu ou directeur de service nous aide à prendre la bonne mesure des décisions.

Pour avancer, il faut avoir des objectifs. Nous avons donc défini une « route à l’étoile » pour poser des repères et jalonner les trois années du plan. Ça nous a permis de marquer les étapes et d’associer des objectifs concrets à ces jalons. De fixer des points d’auto-évaluation pour l’ensemble des équipes qui nous permettent de corriger les actions de façon régulière. Nous avons également pu mettre en place des temps de travail collectif sous forme d’ateliers partagés. On travaillait pas mal en silo jusque-là. Ça a permis de bien faire comprendre à chacun son rôle dans cette transformation et de découvrir le métier des autres, de mieux se comprendre.

Côté équipes, comment la dynamique collective s’est mise en place ?

Ça a bien pris malgré une forme de défiance liée au contexte. On était une nouvelle équipe d’élus et on a pas mal renversé les habitudes. Et faire appel à un cabinet extérieur n’est pas toujours bien perçu. Mais rapidement les équipes y ont trouvé un intérêt pour leur épanouissement : être considérées pour ce qu’elles font et ce qu’elles peuvent apporter. L’indifférence potentielle de chacun s’est éclipsée pour laisser place à la qualité de tout un collectif.

Le déclic s’est fait à l’issue du premier séminaire. On a d’abord travaillé par blocs de services qui ont été revus dans leur organisation. Ça aurait pu être mal vécu, mais toutes les pièces du puzzle ont pu être assemblées lors de ce séminaire. Dès lors, chacun a mieux compris sa place, la méthode, et comment les différents départements articulent leur action pour mener à bien le projet global. Une prise de hauteur lors de laquelle on a pu présenter la route à l’étoile et accorder tout le monde sur la vision et les objectifs.

« Ce qui pouvait être vu comme un rendez-vous contraint au départ donne de l’aisance à la conduite du projet aujourd’hui »

Pour structurer nos méthodes de travail, on a aussi créé de nouveaux pôles de services portés par des directeurs qu’il a fallu fédérer et fidéliser autour de la conduite de ce projet. Ils se réunissent une fois par semaine dans le cadre d’un comité opérationnel qui permet de mettre ses projets sur la table et ses difficultés. Aller chercher du soutien aussi. Je pense que c’est notamment cette structuration-là qui fera la réussite du projet. Ce qui pouvait être vu comme un rendez-vous contraint au départ donne de l’aisance à la conduite du projet aujourd’hui.

Quelles sont selon vous les clés de succès d’une telle transformation ? Comment on réussit à transformer une confédération ?

En y apportant un projet adapté. Réformer pour réformer ça ne marche pas. Pour avoir l’adhésion, il faut avoir le bon motif et la bonne vision sur le pourquoi. Donner du sens. Embarquer à travers un projet utile pour ses adhérents. Se dire « les défis pour l’avenir, comment je les aborde ? ». La confédération est aussi une entreprise. Elle a des salariés, des droits et des devoirs. C’est essentiel de bien le comprendre pour bien faire.

C’est beaucoup de temps et d’énergie bien sûr. Ce n’est pas à négliger. Il faut du temps pour comprendre ses collaborateurs et accompagner le projet. Pas que les collaborateurs d’ailleurs. Les élus aussi. On a changé les méthodes des équipes, mais les nôtres aussi. On s’est astreints aux mêmes critiques et aux mêmes exercices. Il y a un projet et on doit se fondre dans ce projet. Je n’avais pas de prétention à être meilleur que les autres parce que je suis Président. Je crois aussi que c’est par l’exemple qu’on est respecté dans l’entreprise et que le projet l’est aussi.

Lâcher prise aussi. Et ce n’est pas facile pour moi car dans mes entreprises je suis le seul à prendre le risque et la décision. Là, on a créé des espaces et des temps de décision pour chaque directeur de pôle. Et chacun a ses responsabilités. J’aime être au courant au maximum de ce qui se passe, mais j’ai aussi appris à ne pas interférer et à respecter la hiérarchie que nous avons installée pour conduire le projet au mieux. C’est aussi un apprentissage pour moi. 

Propos recueillis par Nathalie Suhard, Directrice de projets pour overthemoon.

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