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Iwa Sart, Citeo : « le collaboratif, on ne le comprend que lorsqu’on l’expérimente »

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22 mars 2021

La transformation digitale est une course de fond. Pour passer d’une MOA classique au Product management, Citeo opère sa mue numérique vers une approche produit centrée utilisateur et génératrice de valeur. Iwa Sart, responsable du Product management chez Citeo et activement engagée dans ce changement, s’est livrée à l’exercice de l’interview.

Iwa, qui êtes-vous, qu’est-ce qui vous motive, et à quel enjeu répond la transformation digitale de Citeo ?

Je m’appelle Iwa Sart et je suis responsable du Product management chez Citeo. Ce qui me motive c’est la diversité des problèmes à résoudre et l’opportunité d’être dans une entreprise à mission, qui porte un véritable sens. C’est l’un de mes moteurs. C’est très important pour moi comme pour beaucoup de nos collaborateurs. Enfin, la transversalité des actions que je peux mener au sein de Citeo. Et les nouveaux challenges.

Chez Citeo les relations avec nos parties prenantes, clients, collectivités locales, repreneurs, se font au travers des produits digitaux. Le digital est au cœur de notre activité, c’est notre point d’accès privilégié pour établir le contact avec elles. Délivrer plus de valeur à nos clients était donc l’un de nos principaux enjeux. Avoir un accès direct au client pour pouvoir échanger avec lui, définir ensemble ses besoins, et pouvoir ensuite orienter et prioriser nos produits en fonction de cette valeur à dégager pour le client.

On avait jusque là une soixantaine de projets annuels dans notre roadmap, ce qui est beaucoup. C’était très complexe de délivrer l’ensemble de ces projets. Pour mieux délivrer, il nous fallait mettre en place une nouvelle organisation. Comment prioriser ? Par la valeur que l’on va dégager pour le client d’une part, mais aussi par la réponse apportée aux enjeux de Citeo. Et pour ce faire, il faut définir quels sont les objectifs, donner du sens. Travailler à la fois avec les patrons des directions et les représentants métiers présents à la table des équipes mises en place. Le but : décliner les enjeux en objectifs clairs pour ces produits. Et en mesurer la performance bien sûr.

Quelles ont été les principales actions menées ?

Elles ont été multiples. Il nous a d’abord fallu expliquer ce qu’on allait mettre en œuvre. Jusque-là, on s’inscrivait dans une relation client/fournisseurs dans une approche cycle en V, avec des temps très longs d’expression de besoins, et pas vraiment de contacts directs avec le client. Seules les équipes métiers étaient détentrices du savoir et de l’expertise autour du client. Une fois finies ces longues périodes de rédaction et de spécifications, on passait le relais aux collègues de l’IT et on attendait que ça soit livré. C’était long et ne correspondait généralement pas à ce qui était prévu. C’est très classique, c’est ce qu’on voit dans beaucoup d’entreprises.

Nous avons donc commencé par mettre en place des expérimentations pour permettre aux acteurs de l’entreprise de découvrir ce qu’est le Product management, sous la forme de projets pilotes. On a tous l’impression de faire du collaboratif dans une entreprise, mais la plupart du temps, autour de la table, il y a de la transmission et de la communication, mais pas vraiment de collaboration. Et pour la plupart des collaborateurs, il est difficile de comprendre ce que c’est. On ne prend conscience de ce que c’est que lorsqu’on l’expérimente. Moi-même j’ai mis du temps à comprendre. La première fois où j’ai commencé à aborder ces problématiques, j’avais bien conceptualisé ce que c’était, mais c’est très différent de le mettre en pratique.

On a donc créé deux pilotes qui ont permis à un certain nombre d’acteurs de l’entreprise de rentrer dans la démarche. Ils sont devenus nos meilleurs ambassadeurs. Après avoir expérimenté l’approche, ils en ont compris les avantages et ont fait germer l’idée auprès des autres équipes que ça permettait de délivrer des solutions beaucoup plus porteuses de valeur client. Ça nous a ensuite permis d’engager les autres équipes dans cette démarche.

Il a ensuite fallu imaginer comment découper l’ensemble des projets. Nous avions une roadmap très riche avec une soixantaine d’initiatives par an et beaucoup d’acteurs impliqués – métier, MOA devenus aujourd’hui Product managers, ou encore IT – autour de ces projets. Nous avons découpé cette roadmap par poches de valeur marché qui définissent aujourd’hui nos produits. C’est une mécanique qui s’installe petit à petit et encore aujourd’hui. Nous sommes passés de 40 à 60 projets à 9 poches de valeur. Ça nous a permis de réduire le mille-feuille de fonctionnalités qui s’accumulait, en y donnant plus de cohérence, et du sens.

Quels ont été vos principaux challenges pour initier cette évolution ?

Nos challenges étaient nombreux. Le premier a été d’engager l’ensemble des parties prenantes internes dans cette démarche. C’est très important de donner d’abord du sens et puis ensuite d’engager. Une transformation ne se fait pas du jour au lendemain, ça ne se décrète pas, ça ne vient pas d’en haut. C’est vraiment une transition importante, ça s’accompagne. Ça a été un vrai challenge, et on continue dans cette voie.

« C’est très important de donner d’abord du sens et puis ensuite d’engager. Une transformation ne se fait pas du jour au lendemain, ça ne se décrète pas, ça ne vient pas d’en haut. »

L’autre défi a été de mettre les clients à la table de Citeo. Ce n’était pas dans l’ADN de l’entreprise. Citeo est un collectif d’experts qui ont un vrai talent et une connaissance pointue de leur domaine. Mais un expert ne peut pas se substituer au client. Et quand on entame une démarche produit qui vise à dégager de la valeur pour le client, on ne peut pas faire l’impasse sur le contact direct avec lui. Les enquêtes de satisfaction et ce genre de choses ne sont pas suffisants. Il faut vraiment avoir le client en face de soi, lui poser les bonnes questions, co-construire le produit avec lui.

Le dernier point c’est le rythme. Ça fait partie de l’engagement, et c’est ce que nous a notamment apporté overthemoon. C’est un challenge, car installer un rythme est aussi ce qui permet la transformation. Il y a des phases, des itérations avec des objectifs très clairs qu’on se fixe, qui donnent du sens. Le chemin pour y arriver se fait par étapes, et avec des temps d’arrêt qui permettent de faire le bilan. Se poser la question : qu’est-ce qu’on pourrait faire ensemble pour aller plus loin et mieux vers la cible qu’on s’est fixée ? Sans ces temps d’arrêt, on ne pourrait pas réorienter notre démarche.

Côté équipes, comment la dynamique collective s’est mise en place ?

On est passé d’une structure en silos à des équipes transverses, pluridisciplinaires et coresponsables d’une poche de valeur identifiée. L’idée est que ces équipes montent en compétence sur un sujet donné et deviennent autonomes sur ce sujet, aussi bien dans leurs pratiques collaboratives que dans celles liées à leur rôle. Pour y parvenir, on est par exemple en train de monter des communautés de pratiques pour nos Product managers et Product owners qui vont leur permettre d’échanger, de monter en compétence, d’avoir des référentiels communs sur leur rôle. C’est très important de donner d’abord du sens et puis ensuite d’engager. Une transformation ne se fait pas du jour au lendemain, ça ne se décrète pas, ça ne vient pas d’en haut.

Les équipes sont désormais composées de trois « têtes » principales : un représentant du métier, garant de la valeur client sur son périmètre et de la transposition dans son produit des objectifs stratégiques de sa direction. Il y a ensuite le Product manager et le Product owner qui s’assurent de la traduction de ces objectifs de valeur en solutions digitales. Nous avons enfin un responsable de l’unité de fabrication : la Digital factory. Il est garant de la solution technique, de sa qualité, des ressources à mobiliser et de l’identification des experts à mettre à la table de l’équipe aux différents moments clés de la co-construction du produit.

Côté gouvernance de cette équipe orientée valeur, on va retrouver ce qu’on appelle en interne des business angels. Ils sont trois eux aussi car ils viennent apporter les moyens de réussir à chacune des parties. Moi-même je suis business angel pour toute la partie Product management par exemple. Nous sommes en quelque sorte les investisseurs du produit. On met en place les moyens et on aide l’équipe à réussir tout en la challengeant. Ces équipes transverses sont co-engagées, ces acteurs travaillent ensemble, ils co-construisent. On est plus dans la transmission des informations, là on est vraiment dans la co-construction de la solution, et chacun à son niveau apporte une valeur qui va venir nourrir la valeur finale du produit.

C’est vraiment une chaîne de valeur qui est portée par l’ensemble de ses acteurs. Ils travaillent ensemble, dans des temps bien définis, c’est rythmé, il y a un certain nombre de rituels qui s’appuient sur les cérémonies agiles. Ce rythme est très important dans la vie de l’équipe. C’est ce qui rend possible ces moments de pratiques communes, de pratiques collaboratives.

Quelles sont selon vous les clés de succès d’une telle transformation ?

Je pense qu’il faut d’abord avoir le soutien de son top management, c’est un prérequis. Avoir une compréhension partagée de ce qu’on est en train de mettre en œuvre. Parce que finalement, une transformation menée au niveau du produit digital va infuser et venir bouleverser la culture d’entreprise sur un plan beaucoup plus large. On a la chance au sein de Citeo d’avoir le soutien et l’engagement de notre top management, et ça, ça nous aide beaucoup.

« Passer à une culture collaborative dans une entreprise c’est aussi savoir lâcher prise, être moins en contrôle. »

D’autre part il y a souvent des freins qui sont plutôt de l’ordre du changement de mode de fonctionnement. Passer à une culture collaborative dans une entreprise c’est aussi savoir lâcher prise, être moins en contrôle. Et ça, c’est très compliqué. À la fois pour le management et pour le terrain. C’est accepter que les acteurs travaillent en autonomie et qu’ils sont en capacité de co-construire la solution la plus pertinente, appuyés par la voix du client et par une organisation transverse. C’est un changement de mentalité compliqué à opérer.

Le temps aussi. On a parfois l’impression que ça stagne et d’un seul coup une marche phénoménale est montée. Et puis plus on progresse, plus on pratique, plus les choses se mettent en place. Il y a un moment où ça prend. C’est très satisfaisant. Ce moment où on voit que les choses se sont mises en marche et que finalement elles vous dépassent. Là où vous avez eu besoin de donner l’impulsion au démarrage, de lancer quelque chose, quand le rythme est installé, les choses se mettent en place presque toutes seules, ça avance presque sans vous.

Quels sont vos challenges du moment ?

On a à poursuivre ce qu’on a entrepris, permettre à ces équipes nouvellement mises en place de gagner en autonomie. Axer encore plus notre démarche sur le « Discovery », c’est-à-dire cette phase de découverte au niveau du Product management avec le client. On commence à mettre le client à la table de l’équipe, à l’interviewer, construire le produit avec lui. On a encore beaucoup de progrès à faire en la matière, notamment avec certains acteurs comme les collectivités locales. C’est très important, c’est ce qui va nous permettre de nous assurer que le produit que nous allons délivrer va vraiment apporter la valeur au client.

Il nous faut aussi pouvoir mesurer si le produit, une fois qu’il est mis en service, est bien au rendez-vous, est-ce qu’il apporte de la valeur ? Est-ce qu’il répond bien aux enjeux de Citeo ? Ce qui se passe généralement, c’est qu’une fois la solution mise en œuvre on ne va pas plus loin. Charge à nous de réinterroger nos clients pour leur demander si la valeur attendue est bien là, et ce qu’on pourrait faire pour aller un cran plus loin. C’est aussi ce qui va nous permettre de faire évoluer nos solutions. Dans ce cadre, c’est un collaboratif apprenant qui est mis en place avec le client. On apprend du marché, on apprend du client, et on met en musique ces savoirs pour apporter encore plus de valeurs, et favoriser la performance.

Le dernier point c’est de mesurer comment le produit contribue aux enjeux de Citeo. Nos points d’accès au client se font au travers des produits digitaux. Je pense notamment aux entreprises, aux centres de tri et aux collectivités. Si on veut les accompagner et les aider, c’est par ce canal là que l’on va pouvoir être apporteurs de solutions. Il faut vraiment s’adapter en fonction de la personne que vous avez en face de vous, et lui apporter les éléments qui vont lui permettre de se transformer et de progresser. Une autre histoire de transformation…

Enfin, comment définiriez-vous la culture collaborative de Citeo ?

Je pense que Citeo est une entreprise qui a pris conscience de la nécessité du travail ensemble en équipe. Il y a eu une vraie volonté chez nous de casser les silos existants. Après, il y a encore des enjeux à relever, mais la démarche est en cours. Il y a de l’envie chez les différents acteurs. Je crois aussi qu’il y a une vraie compréhension du top management sur ce que ça peut apporter, même au-delà du produit digital, car ce canal est au cœur de notre activité, mais ce n’est pas le seul.

Justement, ce qu’on met en œuvre dans ce domaine infuse petit à petit, sert de bonnes pratiques ailleurs, dans d’autres secteurs de l’entreprise. Ça intéresse. On le voit quand on fait des démos ou des présentations de ce qu’on met en œuvre, on a souvent des acteurs qui ne sont pas du tout mobilisés sur des sujets digitaux, mais qui y voient un intérêt dans leur propre activité et dans la mise en pratique du collaboratif dans leur mission. Pour résumer, c’est lancé, ça a pris, et c’est en marche.

Propos recueillis par Olivier Deroubaix

À propos de Citeo

Citeo est une entreprise à mission créée par les entreprises du secteur de la grande consommation et de la distribution pour réduire l’impact environnemental de leurs emballages et papiers, en leur proposant des solutions de réduction, de réemploi, de tri et de recyclage.

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