Si vous demandez aujourd’hui à un dirigeant de citer 3 compétences incontournables de son métier, vous avez de fortes chances de trouver dans la liste « la maîtrise d’Excel »…
Les organisations dans lesquelles nous naviguons nous ont appris à regarder le monde qui nous entoure au travers des tableaux de bord, mais comment les utilisons-nous ? Comme un but à atteindre ? Comme un ultime moyen de contrôle ?
À force de trop regarder les indicateurs, le risque est de naviguer en aveugle pour atteindre un but sans se demander pourquoi, en s’abritant sous les tableaux de bord comme sous un parapluie.
Qu’est-ce qui fait la valeur de la mesure ? Comment faire en sorte qu’elle devienne le phare qui permet de se guider dans le brouillard et pas un diktat qui pousse à courir dans une direction sans même se demander si c’est la bonne ?
DES INDICATEURS AU SERVICE DE L’ACTION
La mesure doit être calibrée pour être au service de l’action : valider l’efficacité de mes actions, me permettre de prendre les décisions pour orienter mon effort et celui de mon équipe. Ce qui implique de ne pas se contenter de voir le sommet de l’iceberg, mais d’étendre son champ de vision aux indicateurs opérationnels qui vont permettre de guider l’action sur le terrain, et donc lui donner du sens.
Ce qui implique aussi que la mesure est propre à chaque entreprise et à chaque situation. Dupliquer les indicateurs de mesure « standards », ce que les autres mesurent, amène à prendre des décisions « bateau », celles que les autres prennent également. Créer des indicateurs « à sa mesure » est un réel investissement, et implique un cercle de contributeurs large qui permet de capturer l’essence et l’essentiel de chaque métier. Mais cet investissement permet aux contributeurs de se réattribuer leurs indicateurs, qui ne deviennent plus la propriété de quelques happy fews en charge de les produire, mais sont un véritable outil opérationnel au service du manager.
C’est particulièrement vrai pour les tableaux de bord des projets de transformation. La mesure que tout le monde connait, c’est le temps et l’argent : je pilote mes jalons et mon budget. Et pourtant, on continue à compter à la pelle les dérapages de projets à « effet tunnel ». La mesure d’un projet doit donc intégrer également une vision sur le bon rythme du « crantage » du projet : est-ce que les actions que j’ai mises en place produisent bien l’effet escompté ? Est-ce que l’engagement de mon équipe va me permettre d’atteindre mon résultat ?
ÉVALUER LA DYNAMIQUE
Il est nécessaire bien sûr de fixer le but à atteindre et de le garder en ligne de mire, mais il faut également être capable d’évaluer cette dynamique pour pouvoir modifier le cap quand c’est nécessaire :
- mesurer que chaque marche est bien montée : se mettre dans le bon rythme est essentiel, et l’indicateur doit permettre de prendre assez tôt le virage quand c’est nécessaire. Piloter un projet de quelques semaines avec un indicateur mensuel est à peu près aussi efficace que piloter une voiture en marche arrière dans le brouillard sans rétroviseur,
- mesurer l’engagement de mon équipe, de mon organisation : il ne s’agit pas de mesurer les initiatives lancées ou le nombre de personnes impliquées, mais plus concrètement de comprendre qui passe à l’action, qui a besoin de soutien, et qui ne va pas passer à l’action, pour ne pas se tromper dans la réalité de la transformation engagée,
- et faire en sorte que les indicateurs, eux aussi soient dynamiques : à chaque étape d’un projet, réévaluer la pertinence des indicateurs, et les changer. Chaque barricade franchie oblige à positionner des indicateurs différents pour franchir la suivante. Changer l’indicateur impose aussi de changer de point de vue, de porter un regard neuf… de renouveler la vision.
Et le changement ultime : installer le rituel. Regarder l’avancement au travers des indicateurs pertinents doit devenir naturel pour toutes les parties prenantes du projet, et devenir un rituel partagé. « C’est la bonne façon de mesurer mon effort. »
Un rituel attendu à chaque étape avec impatience, quelle meilleure façon de se réconcilier avec les tableaux de bord ?
Catherine Destriteaux